Rêveur et rancunier
Une faute mineure que l’originalité des
renseignements récoltés comble facilement. Saviez-vous par exemple que le dromadaire
est câlin, qu’il rêve et qu’il est rancunier ? « Un mâle dominant, maltraité par ses
gardiens ou empêché de copuler au moment où il le souhaite, pour être mis de force
au travail, manifeste parfois sa rancune un an après les faits (…) », explique
Mohamed Aoutchiki Kriska. Il peut alors directement être amené à s’en prendre à son
« tourmenteur ». Dans ce cas, poursuit l’éleveur mauritanien, « Un jugement
coutumier est rendu après l’incident pour évaluer le partage des responsabilités
entre l’homme et le dromadaire (…) ».
Vous apprendrez également que cet animal a été introduit définitivement en Afrique
par le sud de la péninsule arabique, sous une forme domestiquée, il y a environ 5
000 ans. Une introduction récente, estime le Docteur Bernard Faye, comparé à la
tentative manquée du dromadaire sauvage d’envahir le nord de l’Afrique, par le
désert du Sinaï, voici deux à trois millions d’années. En Espagne, où 4 000 têtes
étaient recensées en 1925, il était toujours possible de croiser un dromadaire en
1970, dans le delta de Guadalquivir.
Le camélidé est également d’une aide indispensable pour son maître, puisqu’il est
capable de détecter une source d’eau souterraine à près de 100 km de distance. Sa
bosse contient entre 1 kg et 90 kg de graisse blanche. Un véritable réservoir
d’énergie : « En cas d’urgence, un éleveur affamé et égaré prélève de la graisse sur
un dromadaire vivant entravé, en faisant une incision avec un couteau pour la
prélever », avant de refermer l’incision, explique le Dr Faye. « L’opéré s’en remet
généralement », précise-t-il. Alors pour vos prochaines escapades dans les déserts
africains, n’hésitez plus à préférer le dromadaire au 4X4.
Le dromadaire pédagogique, de Michel Launois, éditions du Cirad, collection « Les
savoirs partagés »
Comme un chameau dans le désert
Mais la vraie terre d’accueil du Camelus
dromedarius reste l’Afrique. 80% des 20 millions recensés dans le monde vivent sur
le continent, précisément dans les zones les plus désertiques (Somalie, Soudan,
Éthiopie…). La résistance à la chaleur du dromadaire est proverbiale. Alors que 15 à
30% des chèvres et moutons et 20 à 50 % des bovins meurent en cas de forte
sécheresse, 95% des dromadaires survivent, selon des observations réalisées en
Mauritanie. Ils peuvent rester en vie 8 à 10 jours sans manger et quelques mois en
mangeant très peu, et peuvent se passer d’eau durant une semaine en saison sèche.
Avis du spécialiste
Corin S.E., 201 Quel est le risque
d’importer des dromadaires dans un pays qui n’en a pas ? (source camelides.fr)
Voilà une question que se posent sans doute tous les services vétérinaires des pays
qui n’ont pas de dromadaires chez eux quand ils reçoivent une demande de la part
d’un éleveur ou d’un autre citoyen qui veut se lancer dans l’aventure…. D’autant que
l’exemple de l’Australie, envahie par plus d’un million de dromadaires qui
commencent à peser sur l’environnement, ne rassure pas. Pas plus d’ailleurs que
l’introduction de la trypanosomiase cameline en France suite à l’importation de
dromadaires des Iles Canaries. Une récente publication fait état d’une évaluation
quantitative du risque dans un pays voisin de l’Australie, à savoir la
Nouvelle-Zélande. Voici, un pays qui sait ce que signifie l’introduction de
nouvelles espèces, d’autant qu’avant l’arrivée des européens, comme en Australie, le
nombre de mammifères était modeste et la venue des envahisseurs a grandement
perturbé la faune mammalienne locale. Cela dit, la nouvelle Zélande n’étant pas
dotée de désert à l’instar de son grand voisin, a priori les risques d’envahissement
paraissent limités. Pourtant, suite à une demande d’importation faite en 2008 pour
importer 16 chamelles pour le tourisme, des chercheurs se sont posés la question.
Les risques évalués ont porté sur la santé publique (zoonose), la possibilité que la
population importée devienne sauvage et entre en compétition avec la faune locale,
et finalement devienne une « peste ». Chaque catégorie de risque a été soumise à une
échelle de valeur (de pas dangereux à très dangereux). Les résultats montrent qu’il
y a un faible risque pour la santé publique (bien que les récents doutes sur le rôle
du dromadaire dans la transmission du nouveau coronavirus, très pathogène pour
l’homme, peuvent moduler ce jugement depuis la parution de l’article). En revanche,
le risque d’introduire une population ensauvagée comme en Australie est pris très au
sérieux, bien que le risque qu’il devienne une « peste » s’avère modéré. De fait, il
est peu probable que le dromadaire se plaise vraiment dans un climat tempéré humide
comme celui de la Nouvelle-Zélande…